ON POURRAIT CROIRE A CE QU’ON VOIT
Renaud Golo Denis Mariotte
Il s’agit de prolonger un travail commencé en 2003 selon un principe d’étapes de travail, de résidence en résidence, constituant à chaque fois des chapitres spécifiques. Cette recherche nous conduit à « passer », à « glisser » au travers d’outils, de techniques, d’instruments dont les domaines d’application respectifs eux-mêmes sont envisagés ici comme les véritables instruments du jeu. Plus qu’une interdisciplinarité, il s’agit ici de considérer des pratiques de natures différentes comme véritables outils du travail, non comme une détermination du genre. D’où l’idée de considérer l’intitulé ON POURRAIT CROIRE A CE QU’ON VOIT comme générique incluant des mouvements/chapitres qui sont autant de pistes de travail, comprenant chacun des matières et des propos spécifiques et portants ainsi chacun un titre distinct. Ainsi 5 chapitres ont été élaborés lors de résidences de travail dans différents lieux d’accueil :
chapitre A si on peut dire (La Fonderie-Le Mans/ Ramdam-Lyon)
chapitre B s’il vou pler une pièsse poure mangée (La Fabrique-Andrézieux-Bouthéon)
chapitre C de bons moments (piste de ski de La Sara- Résonance-Biennale d’Art contemporain de Lyon)
chapitre D vous êtes tous morts
chapitre E quelqu’un, visiblement ( Les Subsistances-Lyon)
Lors de présentations publiques, un ou plusieurs chapitres ainsi constitués lors de ces phases de travail pourront être organisés. Ni le nombre ni l’ordre des chapitres prévus, ne sont, à ce jour, déterminés, mais nous imaginons déjà que l’ensemble des chapitres sera joué lors d’une même journée déclinant ainsi ON POURRAIT CROIRE A CE QU’ON VOIT dans son architecture totale.
5 chapitres :
A
si on peut dire
La fonderie-Le Mans 2004
B
s’il vou pler une pièsse
poure mangée
La Fabrique-Andrézieux-Bouthéon 2005
C
de bons moments
Résonance-/Biennale d’art contemporain Lyon 2006
D
vous êtes tous morts
Ramdam/Sainte-Foy-lès-Lyon
E
quelqu’un, visiblement
Les Subsistances-Lyon 2007
A– si on peut dire
Initié au cours d’une résidence à la Fonderie au Mans
Voix, guitare, sampler, travail optique en direct, travail plastique, textes.
Pour ce premier chapitre, très vite la fabrication d’images s’est produite, parfois comme trame, parfois comme structure harmonique, parfois comme contrepoint. Elle a permis de revisiter des modèles de structures musicales et parfois de contrarier le rapport voix-musique accompagnement.Échantillonner, sampler pour produire des points visibles et, entre ces points, des espaces invisibles comme peut le faire l’image. C’est-à-dire produire des points de vue sonores entre lesquels se produit le mouvement, le chant. Établir un rapport entre les samples qui tendent à créer des images fixes et la guitare qui produit un mouvement. La voix ne vient pas ici s’insérer dans la musique ni la conduire ; la voix se dépose là comme un sédiment. Chaque strate devient une fenêtre d’observation des autres strates sans qu’on puisse établir leur situation de plan dans l’espace.
Festival La poésie/nuit 2004
l’Espal Scène nationale- Le Mans 2004
B- s’il vou pler une pièsse poure mangée
Initié au cours d’une résidence à la Fabrique d’Andrézieux-Bouthéon.
Présence corporelle, guitare occasionnelle et reprise naturaliste amplifiée des abords sonores du lieu, texte.
Aborder ce deuxième chapitre était pour nous le moyen de se priver des éléments acquis lors du premier chapitre, nous voulions voir ailleurs si nous y étions. Abandonnant nos outils musicaux précédents il nous fallait trouver comment faire, en silence pour tenter là aussi d’y faire une musique : nos corps pour établir les vitesses, les timbres, les hauteurs, les organisations c’est-à-dire comment reprendre ce son qui est déjà autour et faire de gestes une composition qui l’y implique. La composition est alors rendue visible en lieu et place d’audible et la structure même du poème est rendue visible en lieu et place de lisible. Et le chant se glisse sur le masque du poème.
Festival NPAI Partenay 2005
La Fabrique-Andrézieux-Bouthéon 2005
C- de bons moments
Initié dans le cadre de Résonance-Biennale d’Art Contemporain de Lyon. Ex piste de ski de la Sara, parking du jardin des chartreux.
Son, actes, traces.
Troisième chapitre pour occuper le terrain (public), hors des espaces spécifiquement culturels. Nous avons réalisé une structure sonore dans laquelle les évènements sont constitués de prises de sons d’actes simples : marcher, courir, piocher, tirer au pistolet, fermer la portière de la voiture, faire silence, sans aucune superposition de ces sons, on pourrait dire un « alignement ». Le public est placé (sur la colline d’en face, à 700 mètres) à une très grande distance des acteurs dont les actes reprennent la structure sonore et produisent au départ un effet de son direct. Les points de diffusion sonore constituent pour le public le premier plan. Le rapport ainsi établi entre l’œil et l’oreille permet la supercherie, une abstraction ayant pour théâtre un espace public, le paysage. Et dans cet espace se joue l’incertitude. Le direct et le différé ne se distinguent plus par le synchronisme, la perception d’un espace visuel réel est mise en doute par son plan sonore, il y a alors suspens, en-quête.
Cette pièce peut être reprise dans d’autres espaces où l’éloignement des spectateurs est possible (immeubles, relief…). Il y aurait alors à concevoir une nouvelle bande sonore et imaginer d’autres déplacements pour les interprètes.
Résonance-Biennale d’Art Contemporain de Lyon 2006
D- vous êtes tous morts
Initié lors d’une résidence au Vélo Théâtre à Apt
Deux voix à l’unisson, à table, capteurs midi, percussions, flux-poème, apparitions d’objets.
Après nous être distingués (l’un de l’autre) dans les chapitres précédents, nous décidons de parler comme un seul homme dans un flux vocal ininterrompu. À cet instrument semblable nous ajouterons alors un autre instrument, que nous partagerons cette fois, un set de percussions et de capteurs, « entre nous ». Il y aura une composition, une structure à quatre mains, deux voix, pour ne faire qu’un.
Le flux-poème donnera une structure rythmique, un débit, rapide, variable, perceptible pourtant non comme une suite d’évènements mais comme un flot, une chose, un fleuve, c’est-à-dire une consistance plus qu’une forme. Les évènements qui font forme dans cet écoulement sont donnés par la composition musicale, impacts et déclenchements, surgissements. La fréquence de ceux-ci sera souvent très élevée, son desserrement viendra parfois laisser faire l’unisson des voix, une inondation qui prendra la forme même du paysage qui l’accueille.
Et parfois dans le noir, un objet recevra peut-être, seul, la lumière et le silence. Et l’image sera ici une suspension musicale, brève..
E- quelqu’un, visiblement
Initié dans le cadre d’un accueil en résidence aux Subsistances à Lyon
film/musique, actes, sous-titres, lumière, disparitions.
avant propos – propos
Il y avait un corps, avant même de commencer toute création, un corps qui devait être, la question ne se posait pas, il nous le devait, c’était un minimum, un préalable inévitable.
Au moins ça pour commencer un cinquième mouvement/chapitre:
« un corps sur la scène ».
Et une question s’est posée. Comment lui reprendre la parole à ce corps?
Élaguer l’interprète, le jeu, l’acte, la voix, l’expression du réel, les idées qui font exister le récit.
Comment écrire une fiction qui ne dessine rien de la vie d’un corps?
Comment faire sans lui enfin, sans son secours, sans cette vie qui bat, visiblement, sans ses gestes, sa parole. Et, finalement, comment lui redonner la parole tout de même à ce corps-minimum , après l’avoir déchargé du récit qu’il aurait à donner inévitablement.
Faire de lui un étranger avec qui il faut engager la conversation, et alors, entrevoir ce que contient le moindre geste.
Comment dresser un monde, vaste, un dessin de cette vie qui bat, qui contienne de précieuses indications, et que pourtant rien ne permette de l’identifier. Pour la langue il y a le sous-titrage, qui traduirait la langue étrangère. Pourtant, ici, aucune voix ne s’élève, le poème s’écrit, se lit, seul, projeté au mur, disant le futur : «quelqu’un, ici, viendra ». La musique alors fait exister les gestes. Les voilà, le jeu, l’interprète, ils viennent à l’écran, dispensés du rôle d’accompagnement, ils en disent plus long. Le geste est visible, produit un son. Entre les gestes brièvement saisis, le son se déploie dans l’obscurité.
Il n’y a qu’un seul homme, quelqu’un.
Parfois multiplié, il a un visage inconnu, toujours.
L’espace de la scène devient le terrain de l’invisible. Ces corps, combien sont-ils? Quelle est cette conversation secrète qu’ils tiennent? Est-ce bien une vie qui bat en eux? Quel est ce geste qui s’enfouit dans l’obscurité? Qu’est-ce qui, ainsi, rend visible ce qu’il dissimule?
Quelqu’un, visiblement, vient faire quelque chose.
Est- on certain que nous n’avons rien inventé, que notre perception ne nous échappe pas?
C’est que maintenant on lui pose des questions, l’histoire se suspend, on soupçonne que quelqu’un est, on l’interroge, et soi avec.
Qui?
Les subsistances-Lyon 2007
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